Selon Dugas et al (2017), ''l’intolérance à l’incertitude peut se décrire comme la difficulté à accepter le fait qu'il n'est pas complètement impossible qu'un événement négatif puisse se produire malgré sa faible probabilité".
Avec la confirmation d'avoir une maladie neurodégénérative (ou toutes autres maladies graves), ce qui est difficile à accepter c'est qu'un avenir possiblement sombre nous est annoncé, mais on ne sait pas exactement ce qui se produira, comment cela se déroulera ni même si on vivra vraiment cette dégénérescence (la science évolue, la vie est remplie de rebondissements).
Donner de l'importance à la tolérance à l'incertitude
Tolérer l'incertitude est essentiel pour continuer à s'épanouir. Autrement, c'est facile de se faire envahir par les inquiétudes sur cet avenir possiblement sombre. Tolérer l'incertitude, ça veut dire reconnaître qu'il n'y a aucun moyen de prédire l'avenir. C'est se permettre de vivre une vie épanouie même en présence du risque que prochainement ça soit difficile. C'est faire le choix d'adopter des comportements qui reflètent cette tolérance. Tolérer l'incertitude favorise la résilience.
Retirer autant que possible la recherche de certitude
Une maladie neurodégénérative, ça peut dégénérer de différentes façons, allant de la façon la moins dégénérative à la plus dégénérative. L'envie peut être forte d'aller lire des témoignages de gens qui vivent la même maladie que nous pour être au courant de tout cet éventail de possibilités et pour tenter de déterminer comment on se portera dans l'avenir. Quand on trouve des récits de gens qui ne nous ressemblent pas du tout, on peut être soulagé et se dire que ça signifie qu'on n'aura pas ce parcours. Quand on trouve plutôt le récit d'une personne qui semble avoir des points communs avec nous, on pourrait penser que notre avenir sera similaire au sien :
''Claudie est jeune comme moi, a aussi des enfants, s'entraîne et fait tout ce qu'il faut, prends tels médicaments comme moi et en plus, on aime toutes les deux le gâteau aux bananes, clairement que mon avenir ressemblera au sien''.
Mais la réalité est que prédire l'évolution de la maladie n'est pas possible, même si on ressemble à Camille ou Sandra, même si on ne ressemble pas du tout à Pierre ou Jean. C'est normal de se sentir impuissant(e) et désemparé(e) devant l'absence de contrôle et de certitude face à notre propre avenir. Mais cette recherche d'information n'est pas très utile au final.
L'analogie de l'épée de Damoclès
Denys l'Ancien, tyran de Syracuse, vivait dans un château cerné d'une fosse et sans cesse sous la surveillance de nombreux gardes. Denys, toujours sur le qui-vive, évoluait alors au milieu de courtisans qui devaient le flatter et le rassurer. Parmi eux, Damoclès, roi des orfèvres, ne cessait de flatter son maître sur la chance qu'il avait d'être le tyran de Syracuse.
Agacé, celui-ci lui proposa de prendre sa place le temps d'une journée. Au milieu du festin, Damoclès leva la tête et aperçut une épée suspendue au-dessus de lui ; cette épée était retenue par un crin du cheval de Denys. D'autres disent que cette épée était suspendue par le tyran Denys. Ainsi, il montra à Damoclès que son rôle de tyran possédait deux faces, c'était à la fois un sentiment de puissance et le risque d'une « mort » pouvant frapper à tout moment (Wikipedia 2023).
L'épée de Damoclès tient avec un crin de cheval, et donc pourrait tomber à tout moment.
Si Damoclès la surveille constamment, pourra-t-il l'éviter quand elle tombera ?
S'il s'informe sur la solidité du crin du cheval, sur le risque que l'épée lui tombe dessus, sera-t-il moins surpris quand elle tombera ?
S'il ne bouge plus pour ne pas faire de coup de vent, qu'il fait vraiment tout ce qu'il faut et qui est recommandé pour éviter qu'elle ne tombe, pourra-t-il l'éviter quand elle tombera, aura-t-il moins mal ?
Quand on a un diagnostic de maladie, on pense que tout à coup qu'un épée de Damoclès pend au-dessus de notre tête. On cherche des certitudes pour contrôler quelque chose qui ne se contrôle pas. Quand l'épée tombera, on ne sait pas ce qui va se produire et personne ne peut prétendre le savoir. Pas même les experts en crins de cheval, ni les experts en épées, ni les spécialistes de la gravité.
Mieux vaut profiter de la vie
Pendant mon processus diagnostique, on était simultanément dans nos recherches pour acheter une propriété. Pendant plusieurs semaines, je pensais que c'était une mauvaise idée de devenir propriétaire. J'avais tout de même une épée au-dessus de la tête à surveiller, non ? Le pire scénario que j'anticipais était que j'allais devenir complètement invalide et que je ne serais pas en mesure de payer une hypothèque, alors à quoi bon ? La difficulté à accepter que quelque chose de grave pourrait m'arriver me jouait des tours en m'éloignant de mes rêves et de mes projets. Quel message est-ce que je me serais envoyé si j'avais choisi de laisser tomber ce projet à cause du risque que je devienne invalide et incapable de payer une hypothèque ? Surtout que personne ne peut prédire si ça m'arrivera, quand ça m'arrivera et comment ça se déroulera! Est-ce que j'aurais compris que ma vie est maintenant terminée ? Que puisqu'il existe un risque, mieux vaut ne pas s'engager dans la vie ?
Soyez accompagné
N'hésitez pas à consulter un ou une psychologue pour vous accompagner dans ce cheminement. Depuis que j'ai le diagnostic de Parkinson précoce, je n'ai jamais autant mordu dans la vie. J'ai aussi développée une très belle bienveillance envers moi-même. Le risque existe, mais la vie vaut la peine d'être vécue.
Bon courage!
Références
Dugas et al (2018). Guide de pratique pour le diagnostic et le traitement cognitivocomportemental du trouble anxiété généralisée. Retrouvé sur https://tccmontreal.files.wordpress.com/2018/09/guide-de-pratique-tag-isbn-2018.pdf
Wikipedia (décembre 2023). Damoclès (mythologie). Retrouvé sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Damocl%C3%A8s_(mythologie)